Peau d’Âne est dans la forêt. 26 L’auteur cite ici l’une des définitions du terme « primitive », donnée en anglais par l’Oxford English Dictionary (N. D. T). Elle semble vivre son mariage avec le prince, qu’elle avait pourtant souhaité, comme une déception et, en apprenant que la fée des Lilas va épouser son père, la princesse a l’air un peu contrariée. Amour, amour, je t’aime tant… Je t’aime tant… – Peau d’Âne On en est tous – toutes – là : c’est quoi l’Amour (bordel) ? 51Comme le dandy de Baudelaire, la princesse et la fée de Demy semblent « vivre et dormir devant un miroir80 ». » Ainsi l’homme gay peut-il s’identifier au père et le désirer, ou s’identifier à la mère et, à travers son identification à celle-ci, désirer le père. Amour, Amour, n'est pas bien sage Quand il a vécu trop longtemps le cœur content L'amour à la moindre anicroche s'effiloche Au clou du souvenir s'accroche L'amour se meurt avec le temps Amour, Amour, je t'aime tant Amour, Amour, je t'aime tant 52La scène où le prince voit la princesse pour la première fois en est peut-être la meilleure démonstration. 53C’est comme si la princesse s’était mise en scène afin que le prince en tombe amoureux et qu’elle puisse l’observer, ce qui conduit le spectateur à se demander si elle ne serait pas elle-même dotée de quelques pouvoirs féeriques. Farmer évoque ici l’investissement qu’effectue le sujet queer dans un texte ou un objet culturel, auquel il confère « des vertus presque talismaniques afin de réparer ou de rectifier un socius [ou lien social] dégradé89 ». endobj », Lettres françaises, 23 janvier 1970, n. p. 92 Glyn Davis qualifie les films cultes de Morrissey de « queer camp » (voir G. Davis, « Camp and Queer and the New Queer Director : Case Study Gregg Araki », dans Michele Aaron [dir. À travers ces personnages, Demy s’inscrit dans une généalogie d’artistes queer qui se sont approprié l’association problématique de Narcisse avec l’homosexualité afin de glorifier une identité individuelle considérée comme socialement et sexuellement aberrante par la société bourgeoise87. 63 La scène dans laquelle Blanche-Neige découvre la maison des nains constitue une modification importante du conte des frères Grimm. Qu’il s’agisse de la Peau d’âne ostracisée qui embellit sa modeste demeure ou de Marie-Antoinette s’inventant un monde imaginaire au Petit Trianon pour échapper aux contraintes de la cour, les films-contes de fées de Jacques Demy mettent effectivement en scène une transcendance de cet ordre. 45Dans une culture préoccupée par le soi comme œuvre d’art, il n’est pas surprenant que le miroir soit un acolyte important. de l’anglais par Dominique Jean, dans Œuvres, Paris, Gallimard, coll. 6 Voir « Le Livret de Peau d’âne » dans Le Livre. 84 Sima Godfrey, « The Dandy as Ironic Figure », SubStance, no 36, 1982, p. 21-33. Quand il apprend que cette maison est la demeure d’une souillon appelée Peau d’âne, il demande à manger un gâteau fait de ses mains. » Connu pour son utilisation de l’image de ses comédiens dans la « vraie vie », Demy exploite ici la renommée mondiale de l’actrice en lui attribuant le rôle de la princesse à la beauté exceptionnelle. 3Beaucoup de metteurs en scène français des débuts du cinéma se sont inspirés du music-hall pour imaginer les intrigues et les scènes qu’ils allaient porter à l’écran. Comme je le montrerai, Demy donne une version camp de ce classique du conte en en faisant ressortir les éléments potentiellement subversifs présents dans des versions antérieures de ce récit et en y introduisant des caractéristiques de l’esthétisme gay, le cinéma de Jean Cocteau étant pour lui une source particulière d’inspiration. Le miroir joue un rôle capital dans la construction du soi comme spectacle, non seulement par sa fonction complice dans l’élaboration du soi en œuvre d’art, mais aussi par sa capacité à esthétiser les objets qui s’y reflètent. 36Tant chez Cocteau que chez Demy, des dichotomies telles que nature/culture, passé/présent, animé/inanimé, humain/animal, humain/végétal et féminin/masculin sont problématisées grâce à ces juxtapositions incongrues. Demy a délibérément recherché ce type d’incohérences historiques afin de susciter une impression d’intemporalité, un passé anhistorique comme cadre du conte. De même, Rodney Hill affirme que « ce conte de fées classique de Charles Perrault (1628-1703) fascinait Jacques Demy depuis la petite enfance et il eut envie d’en faire un film dès son adolescence à Nantes3 ». Demy met constamment en scène le regard narcissique du soi contemplant son reflet et le regard voyeur d’autrui, aucun des deux n’occupant une position stable d’objet ou de sujet dans le film, comme nous allons le voir. Même « La Ségur », la célèbre comtesse auteur d’histoires pour enfants du XIXe siècle, a aussi sa place au panthéon des divas aristocratiques de Jacques Demy. cité, p. 136. Beaver affirme : « Avec le cannibalisme et l’inceste, [l’homosexualité] est l’incarnation même de l’autodestruction sociale dans sa recherche d’une proie à dévorer. 56 Camille Taboulay, op. Quand la Française est sale, alors la France est sale et attardée59. 37Dans le conte écrit par Perrault et dans la version apocryphe de « Peau d’âne », la princesse prépare le gâteau, « vêtue d’un corps d’argent que vite elle laça/Pour dignement faire l’ouvrage58 ». Dans la version collectée par ces derniers, le foyer des nains est assez ordonné, alors que, chez Disney, un désordre indescriptible règne dans la maison des sept nains. « Le film « Peau d’âne » enchante les générations depuis plusieurs décennies. » Comme sa marraine, la princesse est associée aux miroirs. ». Rechercher : INFORMATION . Le miroir qui réfléchit l’image de la princesse et non celle de la fée rappelle celui du Blanche-Neige de Disney, informant la méchante belle-mère que c’est désormais Blanche-Neige qui a l’honneur d’être la plus belle de toutes. Comme la princesse de Peau d’âne, Marie-Antoinette reçoit trois robes extravagantes dont chacune est une merveille correspondant à un phénomène naturel : la première est baptisée « le battement du cœur impétueux », la deuxième « la première fleur du printemps » et la troisième « le chant silencieux du crépuscule ». L’amour se meurt avec le temps. Paroles de la chanson « Amour Amour » dans « Peau d’Âne » de Jacques DEMY. Document vidéo. Chaque famille se suffisait à elle-même et se perpétuait par son seul sang. Une autre lecture, suscitée par l’évolution du conte depuis Straparola et Basile, peut situer le film de Demy par rapport au conte de Perrault et de sa version apocryphe qui tendent de plus en plus à atténuer la responsabilité du père dans les avances qu’il fait à sa fille. (N.D.T.). Amour, amour, je t'aime tant. De plus, cette scène joue sur les représentations de la femme comme beauté éthérée, incarnée à la perfection par Catherine Deneuve en princesse, par opposition avec la représentation de la femme comme animal, figurée par le double de la princesse qu’est Peau d’âne. Elle regarde le lit qui est en paille. - Q1: Quel acteur intérprète le père de Peau d'âne ? Peau d’âne fait référence à des figures mondaines du XVIIe siècle comme la princesse Pioche de la Vergne, allusion à la romancière Madame de Lafayette (qui était en réalité comtesse) ; à « la Clève », en référence à l’héroïne du célèbre roman de Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves ; à la marquise Marie de Rabutin Chantal ou Madame de Sévigné, romancière épistolaire renommée ; et à la comtesse d’Escarbagnasse, personnage qui donne son nom au titre d’une célèbre pièce de Molière. BIENVENU SUR LA PAGE DE L'AMOUR , IMAGES , PHOTOS ET CITATIONS DE L'AMOUR , LE VRAI ! » Une telle déclaration implique que le soi devienne spectacle, s’offre au « regard du public », pour reprendre les termes de l’Oxford English Dictionary, « comme objet (a) de curiosité ou de mépris, ou (b) d’émerveillement ou d’admiration. Cependant, voir l’âne en action, à grands renforts de braiement et de chutes de pièces sonnantes et trébuchantes sur un plateau, comme on gagne au jackpot, ajoute un niveau d’humour supplémentaire que les représentations textuelles et même les illustrations du conte sont incapables de rendre. À propos de « L’Ourse », voir aussi la traduction en anglais de Nancy Canepa dans Giambattista Basile’s Tale of Tales, or Entertainment for Little Ones, Detroit, Wayne State University Press, 2007, p. 177-183 ; une traduction en français de ce conte figure dans Giambattista Basile, Le Conte des contes, trad. Le miroir, en particulier, et le dandysme, en général, esthétisent ces personnages qui fonctionnent à la fois comme objets et agents du désir. 6En comparaison des versions de Straparola et de Basile, l’héroïne du conte de Perrault est plus passive et obéissante, et la culpabilité de son père est entièrement pardonnée à la fin de l’histoire. 23 Sur l’utilisation des cerfs dans la chambre de la princesse, voir ibid., p. 240. Il me semble que la création d’une version camp de ce récit met en jeu à la fois une lecture camp du conte et une transfusion de l’esthétique camp dans le conte. En dépit de l’apparente naïveté de la déclaration du cinéaste, déjà citée, selon laquelle le film ne serait que l’histoire de l’amour d’une fille pour son père, Demy situe ici Peau d’âne au sein d’un mouvement cinématographique plus vaste qui bouleverse non seulement les conventions esthétiques traditionnelles, mais aussi les normes hétérosexuelles. 91 Gérard Langlois, « Jacques Demy. 75 Émile Vanderburch et al., Peau d’âne, op. Pour reprendre les mots d’Eynat-Confino, le monstrueux est « la négation des oppositions en tant que telles41 ». L’objet de beauté qu’est la reine est mis en avant lorsque Élisabeth-Louise Vigée-Le Brun peint son célèbre portrait de la souveraine. Dans The Aristocrat as Art (1980), Domna Stanton met en évidence les affinités qui existent entre « l’honnête homme » de la cour de Louis XIV et le dandy plus rebelle de la France postrévolutionnaire qui, comme son prédécesseur des débuts de l’époque moderne, accordait de l’importance à la mise en scène et à la construction de l’identité individuelle. Troublée par le désir que lui voue son père, la princesse consulte sa bonne fée qui lui conseille de demander au roi trois robes extravagantes, pensant qu’il ne parviendra pas à les lui offrir. 34 Irène Eynat-confino, On the Uses of the Fantastic in Modern Theatre : Cocteau, Oedipus, and the Monster, New York, Palgrave, 2008, p. 93. Enfin bref, j'ai tout de suite pensé à Peau d' âne, qui fait un cake d' amour pour son prince. Bon l'histoire est bien, c'est un conte intéressant ça y a pas de soucis, mais l'adaptation est vraiment mauvaise. Dans ce négligé !… Je reposais encore, lorsque tes cris de détresse sont venus troubler mon sommeil. Même si pour nous autres, cœurs d’artichauts, on fête tous les jours l’amour, c’est bel et bien le 9 … From Straparola and Basile to the Brothers Grimm, New York, Norton, 2001, p. 27-38. 62 Steven Watts, The Magic Kingdom : Walt Disney and the American Way of Life, Columbia, University of Missouri, 1997, p. 326. 88 Voir Brett Farmer, « The Fabulous Sublimity of Gay Diva Worship », Camera Obscura, vol. 74 Émile Vanderburch et al., « Peau d’âne », op. Demy, Jacques (Réalisateur) Le conte de Charles Perrault, revu par Jacques Demy, en version restaurée 2014 ! Il est ici possible de comprendre le sens « conservateur » donné par Demy au château bleu comme signifiant « primitif », c’est-à-dire « au tout premier stade26 » de la société comme de l’individu et, en particulier, de la princesse qui doit encore surmonter son complexe d’Électra. À travers ses incongruités visuelles et temporelles, le film de Demy va même jusqu’à dénaturaliser le conte qui, sous sa forme écrite, a été apprécié par des générations d’enfants et d’adultes jusqu’à nos jours, mais dont l’absence de représentations cinématographiques est le signe de sa nature problématique. Il s’en est plutôt servi comme d’un trope pour parler de sexualités alternatives et non hétéronormatives. 73 Christine Jones, « The Poetics of Enchantment (1690-1715) », Marvels & Tales, vol. « Peau d’âne », version, Duggan, Anne E. “Chapitre II. » Toutefois, la juxtaposition de la princesse avec son double bestial dans le film de Demy, ainsi que l’incongruité de l’image de la princesse préparant un gâteau, vêtue d’une robe d’apparat, sophistiquée et encombrante, rend la scène assez ridicule, ou plutôt souligne les aspects que l’on peut déjà considérer comme camp dans le film de Disney, où la représentation de la domesticité est elle-même à la limite de la parodie. 24 Le trône en forme de chat pourrait être une référence au conte de Marie-Catherine d’Aulnoy « La Chatte blanche » (1698) [voir Contes II, Paris, Société des textes français modernes, 1998]. Comme l’inceste, elle profane irrévocablement le désir génital [hétérosexuel]19. 12, no 1, 1998, p. 69-88. Selon cet auteur, « l’allégeance au foyer et à la famille » est une valeur importante introduite dans ce film, comme dans d’autres réalisations de Disney61. ], New Queer Cinema : A Critical Reader, New Brunswick, Rutgers University Press, 2004, p. 53-67). 86 Walter Strauss a analysé la manière dont Cocteau mêle certains aspects de Narcisse dans ses versions du mythe d’Orphée (voir W. Strauss, « Jean Cocteau : The Mask of Orpheus and Narcissus », Religiologiques, no 15, printemps 1997, http://www.religiologiques.uqam.ca, consulté le 3 mars 2013). Malgré la présence de références visuelles et thématiques au Blanche-Neige de Disney et au Magicien d’Oz, les allusions à Cocteau sont les plus parlantes car elles peuvent être lues comme autant d’inscriptions dans Peau d’âne d’éléments de l’esthétisme gay ou camp qui sapent l’hétéronormativité apparente et troublante du conte de Perrault et des versions ultérieures. 72 Si de nombreux éléments permettent d’affirmer que Demy connaissait très bien les contes de Perrault et des frères Grimm, je n’ai trouvé aucun indice de sa connaissance des contes de Madame d’Aulnoy. sur la cabane de Peau d’Âne. 3 Rodney Hill, « Donkey Skin (Peau d’âne) », Film Quarterly, vol. 80 « Le Dandy doit aspirer à être sublime, sans interruption ;/Il doit vivre et dormir devant un miroir » (Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu, édition établie par Claude Pichois, Genève, Droz, 2001, p. 5 verso). Comme celui de la Belle dans le film de Cocteau, ce miroir permet à la princesse de voir la réaction de son père devant son départ. Chapitre II. À l’instar de l’idéologie naissante de la domesticité en France, inséparable de la modernisation synonyme d’américanisation, la « doctrine Disney » valorisait « la famille nucléaire et ses rituels afférents : mariage, parentalité, éducation des émotions et de l’esprit, et consommation62 ». 15La précarité de la prohibition de l’inceste est mise en évidence dans la scène où la princesse, après avoir appris les intentions de son père, va voir sa marraine, la fée des Lilas (Delphine Seyrig) dans sa demeure forestière, autre lieu où nature et culture, humain et animal, se mélangent et coexistent27. Et, comme la princesse de Peau d’âne, Marie-Antoinette incarne le lieu de convergence du narcissisme, du voyeurisme et de l’exhibitionnisme : tandis qu’elle contemple son image, le comte Fersen parcourt ses appartements du regard. peau d'ane et... picotcamille.canalblog.com. PEAU D’ANE– Jacques DEMY -1970 « Cake d'Amour » de Peau d'Âne. Je ne suis pas prête ! On peut même dire que, dans le film de Demy, l’apparence et le désir bestiaux de la princesse assignent à celle-ci le rôle de la Bête, tandis que le prince, par son association avec la rose, joue celui de la Belle. <> 22À l’époque où Cocteau et Demy (du moins dans la première partie de sa carrière) étaient en activité, le désir homosexuel masculin était considéré comme une concrétisation anormale du complexe d’Œdipe, dans laquelle l’enfant masculin désire le père au lieu de la mère. Même sa transformation en Peau d’âne, la souillon, ne se fait pas sans la médiation d’un miroir : c’est devant une glace qu’elle déplore sa nouvelle apparence. Dans la version de 1838, Lilia va voir la fée afin que celle-ci l’aide à retrouver son père que Medinazil a emmené pour le punir de ses caprices. Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque/établissement d’acquérir un ou plusieurs livres publié(s) sur OpenEdition Books.N'hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées :OpenEdition - Service Freemiumaccess@openedition.org22 rue John Maynard Keynes Bat. Parmi tous les portraits de princesses à marier que lui ramenèrent ses messagers, un seul retint son attention : celui de sa propre fille. Monsieur Dame est le père de Boubou, le demi-frère de Solange ce que celle-ci ignore et, comme tel, il représente une figure paternelle associée à son personnage. Tandis que la première version de 1838 évoque indirectement une affection incestueuse ou, du moins, suggère que la fille aime trop son père (peut-être à cause d’un excès d’attention de la part de ce dernier), les modifications contenues dans la version de 1863 atténuent encore davantage toute allusion de cette nature. 60On peut voir dans la représentation par Demy de ces trois figures féminines une forme de « culte de la diva » qui, selon Brett Farmer, fait partie de la dynamique de survie « réparatrice » de la culture queer88. Amour, amour, je t’aime tant » (Love, love, I love you so), croons Peau d’âne who offers us below the recipe of the love cake « préparez votre, préparez votre pâte, dans une jatte, dans une jatte plate…» (prepare your, prepare your dough, in a bowl, in a flat bowl…) La trilogie orphique comprend Le Sang d’un poète, Orphée et Le Testament d’Orphée. Plus tard, quand la fée prend pleinement conscience des charmes qu’exerce la princesse sur son père, sa marraine d’âge mûr dit que ses propres charmes s’épuisent comme une pile. C’est précisément parce que le corps monstrueux (indéfinissable, queer) de la princesse porte les marques du masculin et du féminin qu’il nous est possible de voir en son désir pour le roi le désir homosexuel masculin. Je suis fan des contes de fées, de Disney, de l' univers des princesses. Demy concrétisa finalement cette envie en réalisant Peau d’âne, long-métrage interprété par Catherine Deneuve (la princesse) et Jean Marais (son père incestueux). Comme l’explique Dyer, « les miroirs esthétisent parce qu’ils encadrent des fragments de la réalité et les représentent sur une surface unidimensionnelle et miroitante : ils transforment la réalité en belles images67 ». De même que les personnages féminins de Peau d’âne, Marie-Antoinette est une figuration du soi comme spectacle : elle est une œuvre d’art et porte des œuvres d’art. Cette scène mêle scatologique et signes de richesse, fonctions basses et hautes, déchet et gain. 29Certaines incongruités deviennent visibles par le simple transfert de l’image sur l’écran. 16 Rebecca J. Pulju, Women and Mass Consumer Society in Postwar France, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 99. À certains moments du film, Demy ridiculise et critique implicitement l’association des femmes avec la domesticité, en présentant des héroïnes agents de leurs propres désirs, autre moyen de remettre en question l’image de la ménagère passive tellement colportée dans la France de l’après-guerre. 24En dépit de sa nature problématique, mais en raison de sa signification historique, ce paradigme permet de mieux comprendre le sens possible de l’inceste dans le Peau d’âne de Demy. C’est pourtant un des paradigmes dominants pour penser l’homosexualité qui a perduré jusque dans les années 1970, quand Guy Hocquenghem, dans son œuvre en faveur de l’antipsychiatrie, a remis en question la vision freudienne prédominante, en libérant purement et simplement le désir du complexe d’Œdipe38. 87 Sur la problématique du narcissisme comme trope queer et le rapport de ce concept avec la psychanalyse, voir Steven Bruhm, Reflecting Narcissus, op. Pour sa part, la princesse veut être aimée du prince, mais, comme le suggère le film, c’est son père qu’elle préfère, alors que ce dernier lui est interdit (par la fée, ironiquement). Peau d'âne (Bande originale du film) Michel Legrand. Dans la scène où celle-ci est assise sur une balançoire, on la croirait tout droit sortie du tableau de Jean-Honoré Fragonard Les Hasards heureux de l’escarpolette (1767). Commentant Peau d’âne, Demy déclare que le château bleu du père de la princesse – la forteresse du XVe siècle du Plessis-Bourré – représente l’Ancien Régime et les tendances conservatrices, tandis que le château rouge du prince – l’élégant château de Chambord de la Renaissance – symbolise quelque chose de plus « révolutionnaire21 ». 4L’historique textuel, théâtral et cinématographique de ce conte laisserait penser que lire l’histoire d’un père incestueux était moins dérangeant que la voir représentée sur scène ou à l’écran. cit., p. 1-9. Les laitières auront les joues roses. Pas fan des classiques à la base, celui ci est l'un des pires que j'ai vu. 35 Daniel Fischlin, « Queer Margins : Cocteau, La Belle et la Bête, and the Jewish Differend », Textual Practice, vol. Comme Cocteau avant lui, Demy associe la monstruosité et l’inceste à des formes non normatives de sexualité37. » Comme l’a remarqué Berthomé, Marais porte dans Peau d’âne un manteau noir aux larges épaules évoquant le costume qu’il avait pour jouer la Bête29. On peut ainsi voir en ces personnages des dandys féminins81. Dans un entretien avec Bernard Bastide, Agnès Varda souligne à quel point le cinéaste aimait ce film et qu’adulte, « il n’a eu de cesse de se procurer des copies 16 mm de ces titres en dessin animé de Walt Disney, que nous regardions à Noirmoutier, lui surtout » (voir Bernard Bastide, « Plus que les contes… », art. À propos des stars du cinéma Babuscio écrit : « [Le camp] est davantage une manière de se moquer de toute la cosmologie des rôles sexuels restrictifs et des identifications sexuelles dont se sert notre société pour opprimer ses femmes et réprimer ses hommes, y compris celles et ceux de l’écran13. « Amour, amour, je t’aime tant … […] Si dans les films de Warhol, les acteurs sont si admirables dans leur improvisation, c’est parce qu’ils se connaissent, je veux dire aussi bibliquement, et cela leur permet de sortir d’eux-mêmes, de vaincre leur pudeur et leur honte91 ». Les protagonistes portant des vêtements raffinés détonnent par rapport au cadre naturel et entre elles, car leurs styles vestimentaires respectifs appartiennent à des périodes historiques différentes. Entourés de portraits élégants, trois aristocrates clients de la boutique se contemplent dans un miroir tout en examinant « le matériel qui rehaussera leur beauté : des brosses pour parfaire leur coiffure et des boîtes contenant les poudres, parfums ou bijoux qui leur servent de parure70 ». 16Que Jean Marais interprète le roi incestueux ajoute encore à la complexité du sens de l’inceste dans ce film. 34À travers la figure de la fée des Lilas, Demy établit non seulement un lien avec Jean Harlow, mais il fait aussi implicitement référence à une princesse encore plus moderne : Grace Kelly. Vêtue de la peau de l’animal, la princesse s’enfuit du palais et se fait engager comme souillon. L’une et l’autre se servent très fréquemment de miroirs dans la construction réfléchie de leur identité individuelle qu’elles présentent, tant à autrui qu’à elles-mêmes, comme une œuvre d’art. 66 Voir Susan Sontag, « Notes on “Camp” » (1964), dans Fabio Cleto (dir. Comme l’amour de la Belle pour la Bête, l’amour de la princesse (qui devient bête) pour son père (qui renvoie à la Bête de Cocteau) en vient à signifier une forme de sexualité queer transgressive. 18Depuis l’Essai sur l’origine des langues de Rousseau (1781) et même avant, l’inceste est associé à l’animalité. C’est la princesse qui joue le rôle de prédateur ou de chasseur et tend le piège à sa proie. Gersaint est le fournisseur des accessoires de la mise en scène aristocratique. Moyen de transport réaliste, l’hélicoptère semble ironiquement plus étrange dans ce film-conte de fées que ne le serait un carrosse volant imaginaire. On pourrait en dire autant du désir queer. Deux ans avant sa mort, Demy a fait de l’inceste le thème principal de son dernier longmétrage, Trois places pour le 2643. 54 Berthomé évoque les robes Louis XV de la princesse et de sa mère, et le costume Henri II du prince (voir J.-P. Berthomé, op. Par conséquent, la remise en cause de ces oppositions constitutives de l’ordre sociosexuel de la France de l’après-guerre sape la logique du genre qui en est le fondement. Car, en France, même dans les éditions destinées aux enfants, le thème de l’inceste est maintenu et ce conte connaît une grande diffusion9. cit., p. 616. » La princesse fond en larmes et, pour la consoler, la fée lui dit : « Ne pleurez pas mon enfant. 38Selon Kristin Ross, après la Seconde Guerre mondiale, alors que l’empire colonial français s’effondrait au cours des années 1950 et 1960, on donna une nouvelle importance à la vie ménagère et à l’économie politique du foyer, dont la « propreté » devait promouvoir une distinction nouvelle entre la France et les colonies, et symboliser l’entrée du pays dans la modernité : « Un ménage efficace, bien tenu et harmonieux est un atout pour la nation : la qualité de l’environnement domestique a une influence capitale sur la condition physique et la santé de la nation. Le culte de la diva est, pour le sujet stigmatisé, une manière, à travers l’identification à la diva, de se sentir reconnu et vénéré, grâce à la mise en scène de « la transcendance d’une matérialité hétéronormative contraignante et [de] la reconstruction sublime, du moins par le fantasme, d’un monde plus spacieux, plus agréable, plus queer90 ». » en replay sur France Culture. Bohèmes et bo... Chapitre III. En bête des bois, Peau d’âne évoque le loup du « Petit Chaperon rouge », et c’est le prince, vêtu de rouge, qui en interprète le rôle titre. 40 Steven Bruhm, Reflecting Narcissus : A Queer Aesthetic, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2001, p. 7. De façon très semblable à la chambre de la Belle au château de la Bête, dans le film de Cocteau, celle de la princesse est recouverte de rosiers grimpants comme si la nature s’appropriait l’espace, et la figure d’un cerf se tient près de son lit. Les hommes et les chevaux bleus du royaume de la princesse et ceux, tous rouges, du royaume du prince font penser au « cheval d’une couleur différente » de la cité d’Émeraude du Magicien d’Oz ; mais ces hommes colorés rappellent aussi, par leur posture sculpturale, les statues vivantes de La Belle et la Bête et de la trilogie orphique de Cocteau57. Par exemple, la première fois que l’on voit la fée des Lilas, elle est assise devant son miroir, tranquillement occupée à se limer les ongles. 55 Sur cette ressemblance, voir ibid., p. 247. Elle a été représentée à Paris au Théâtre de la porte Saint-Martin et au Théâtre de la Gaîté, deux célèbres music-halls de l’époque. %PDF-1.5 Telle qu’il représente cette scène, Demy donne davantage de poids à la toilette, qui semble pourtant superficielle, qu’à l’inceste, question qui paraît grave. Je pense que cette année, Mélina va retrouver son assise; c’était dur, l’an passé. » Dans la version de 1863, la fée conseille ainsi Lilia, au même moment de la féerie : « Ma chère Lilia, retiens bien ceci : quelque chagrin qu’une femme éprouve, elle ne doit jamais négliger sa toilette… On se pare d’abord, et l’on pleure ensuite, et pas trop encore, rien ne ternissant l’éclat des yeux comme les larmes75. Les « figures aristocratiques considérées comme objets esthétiques », notion des débuts de l’époque moderne, sont parfaitement illustrées par L’Enseigne de Gersaint (1720-1721), œuvre de Watteau.

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